Journée
Internationale des Musées |
|
 |
1996
"Collecter aujourd'hui pour demain"
|
|
La
journée internationale des musées du 18 mai 1996,
particulièrement importante parce qu'elle coïncide
avec le cinquantième anniversaire de notre organisation,
portera sur un thème qui renvoie à la raison d'être
du musée, et à son rapport essentiel à la temporalité:
"Collecter aujourd'hui pour
demain". Dans un premier temps, les Nouvelles
de l'ICOM ont souhaité faire réagir à ce sujet
différents présidents de comités internationaux.
Dans l'intention d'élargir le débat, nous lançons
à présent un vaste appel aux contributions de
nos lecteurs, qui viendront enrichir le dossier
d'accompagnement de cette journée internationale
des musées.
Voici
, pour amorcer, la réflexion, et pour saisir l'occasion
de sensibiliser le public au rôle des musées dans
la société de ce tournant de siècle, cinq questions-clés
qui peuvent interpeler tous les professionnels
de musées.
|
Trois
réponses émanant de présidents de comités internationaux
Contribution
du docteur Patrick Greene, président du Comité international
des sciences et techniques
Collecte
et déontologie
Bibliographie
succincte
Ouvrons
le débat par la mise en parallèle de trois réponses émanant
de présidents de comités internationaux qui ont accepté
de prendre la parole au nom de leur institution.
|
Professeur
H. W. Van Os
Directeur général du
Rijksmuseum
Amsterdam,
Pays-Bas.
Président du Comité international des Beaux-Arts (ICFA).
|
Dr.
Mando Oeconomides
Directeur du
musée
de numismatique d'Athènes
Athènes, Grèce.
Présidente du Comité international de numismatique
(ICOMON)
|
Dr.
Martin R. Schärer
Directeur de l'Alimentarium (musée
de l'alimentation) de Vevey, Suisse.
président du
Comité international de muséologie (ICOFOM)
et du comité national suisse
|
1
- Collecter, acquérir: considérez-vous qu'il s'agisse
d'un enjeu important pour l'avenir des musées ? |
1
- Oui, les collections de musées ne peuvent jamais rester
figées. Dans le domaine de l'art, le goût est en perpétuelle
évolution, ce qui oriente les acquisitions dans des
directions toujours renouvelées. |
1
- Oui, en particulier si les oeuvres concernées sont
proposées aux musées en tant que donations et si elles
proviennent de collectionneurs sérieux. |
1
- Bien sûr! Bien que les missions d'exposition et de
communication soient plus souvent mises en évidence
auprès du public et soutenues par les sponsors, la collecte
fait partie de la base du travail muséal et ne doit
en aucun cas être négligée. |
2
- Quelle politique d'enrichissement mène votre propre
établissement ? Pouvez-vous expliquer vos choix, leurs
avantages et éventuellement les risques que vous prenez
? |
2
- Nous avons établi une règle, selon laquelle nos acquisitions
doivent avoir un rapport précis avec le contenu de nos
collections. Par exemple, nous ne réalisons pas d'acquisition
de peinture en dehors de l'école hollandaise. Cependant,
nous achetons des tableaux hollandais qui ne correspondent
pas aux principes traditionnellement reconnus comme
ceux de la peinture hollandaise. Dans le domaine des
arts décoratifs, nous achetons plus d'objets du XIXe
siècle que nous ne le faisions auparavant, parce que
le goût a évolué et que l'art décoratif du XIXe siècle
est désormais mieux apprécie. Qu'est-ce qui peut entraver
nos choix ? les limites financières et les pressions
politiques. |
2
- Le musée numismatique dAthènes enrichit ses collections
par des achats effectués par l'Etat, des donations et
des legs. Le risque majeur encouru par la politique
de collecte du musée concerne la provenance des objets,
à laquelle il doit toujours être prêté une très grande
attention. |
2
- L'Alimentarium de Vevey - musée de l'alimentation
que je dirige - collectionne, très sélectivement, des
objets ayant trait à la conservation, à la transformation,
au commerce et à la préparation des aliments, plus rarement
des objets relatifs à la production (agriculture) et
à la consommation (services de table, etc ... ). En
règle générale, nous nous limitons aux objets européens.
La dimension restreinte de notre collection s'explique
par la précision du programme muséographique. Il ne
s'agit pas d'élargir quantitativement la collection
mais d'illustrer avec le plus de précision possible
"l'aventure de l'alimentation". Nos fonds propres, qui
sont par ailleurs modestes, ne nous permettraient pas
de larges campagnes d'acquisitions. A l'occasion d'expositions
temporaires, des échanges avec d'autres musées nous
donnent l'occasion de montrer des objets nouveaux. Mais
nous prévoyons, pour les années à venir, une refonte
complète de nos expositions permanentes, ce qui va nous
amener a redéfinir et augmenter nos acquisitions. |
3
- Pouvez-vous décrire les mécanismes des acquisitions
et de la " collection ", en prenant différents exemples
qui vous paraissent particulièrement significatifs,
dans divers pays ? |
3
- L'initiative d'une acquisition revient le plus souvent
aux différents conservateurs et responsables des départements
du musée. Ils argumentent leurs propositions auprès
du directeur des collections. Ce dernier discute avec
moi des plus importantes. Le directeur général joue
un rôle important dans la collecte des fonds. |
3
- Dans tous les pays, mais plus encore en Grèce et en
Italie qui sont les "patries" par excellence des antiquités
de la civilisation occidentale, une législation précise
régit les modes d'acquisition. |
3
- En Suisse comme ailleurs, les modes d'acquisitions
sont variés, mais les restrictions budgétaires imposées
aux musées réduisent leur marche de manoeuvre dans le
domaine des achats purs et simples. Si l'on veut continuer
à accroître le patrimoine muséal, il est nécessaire
de faire preuve d'imagination ! Il me semble, par exemple,
qu'il serait souhaitable d'encourager les avantages
fiscaux liés aux dons d'objets à des musées et d'en
susciter par le biais de campagnes bien préparées, en
relation avec des expositions temporaires. |
4
- Quels sont, selon vous, les principaux obstacles que
rencontrent les professionnels de musées dans leurs
campagnes d'acquisitions et d'enrichissement du patrimoine
? |
4
- Une nouvelle acquisition doit toujours être le signe
du développement de la collection. Lorsque les espaces
d'exposition sont limités, il sera nécessaire de présenter
l'oeuvre nouvellement acquise dans les salles de la
collection permanente, aux dépends d'une autre oeuvre
d'art. |
4
- L'un des obstacles à la connaissance exacte des collections
susceptibles d'être acquises par le musée de numismatique
est la relative méfiance des collectionneurs. Ces derniers
préfèrent demeurer dans la plus grande discrétion, de
peur d'encourir une procédure de confiscation, surtout
s' ils n'ont pas regularisé leur situation en obtenant
un "permis de possession" délivré par les services compétents
du Ministère de la culture. |
4
- Les obstacles majeurs sont les restrictions budgétaires
qui touchent aussi l'engagement de conservateurs et
de restaurateurs. Puis, la pression croissante des autorités
et sponsors, qui poussent à organiser des expositions-
événements pour attirer le plus de visiteurs possible.
Cela peut avoir pour conséquence de négliger les travaux
de fond, menés "dans les coulisses". |
5
- Collecte-t-on aujourd'hui comme hier ? Qu'est-ce qui
a changé, depuis cinquante ans, dans les orientations
des musées à ce sujet ? |
5
- Nos acquisitions se font, comme par le passé, en fonction
des lacunes de nos collections. Mais nous sommes plus
sélectifs qu'autrefois, et nous tenons davantage compte
des attentes du public en faisant nos choix. |
|
5
- Les problèmes fondamentaux demeurent les mêmes. Les
choix relatifs à la collecte sont faits selon des critères
qui appartiennent au présent, sans qu'il soit possible
de préjuger de ceux que retiendront les générations
futures. Une des hypothèses de travail, s'il devient
plus difficile encore d'acquérir des objets, est le
développement de la documentation relative à ces objets.
Si l'on ne peut acquérir les objets eux-mêmes, du moins
sera-t-il possible de mieux les connaître par l'augmentation
du volume d'information les concernant. |
Contribution
du docteur Patrick Greene, président du Comité international
des sciences et techniques (CIMUSET)
Pour
les membres du CIMUSET (le Comité International des musées
des sciences et techniques) la question des collections
présente des défis particuliers. La plupart des musées dans
notre secteur souhaitent refléter les sciences et technologies
à la fois passées et contemporaines. Il s'ensuit que les
musées doivent enrichir leurs collections, mais que cela
n'est pas le seul moyen de préserver les objets ni de les
présenter au public. Les rencontres du CIMUSET qui ont eu
lieu ces dernières années ont illustré certains de ces problèmes.
La
Pologne a été le lieu de notre rencontre en 1994. Un pays
qui subit des transformations industrielles rapides fait
face à des défis spécifiques, surtout lorsque les industries
sont acquises par de nouveaux propriétaires, souvent venus
de l'étranger, qui peuvent ne pas accorder la même valeur
aux sites industriels historiques. Pourtant la préservation
et la présentation sur place sont souvent la façon la plus
efficace d'assurer la suirvie des matériaux historiques,
qui s'ils étaient emportés dans un musée seraient enlevés
de leur contexte et de la société a laquelle ils appartiennent.
En
Norvège, en 1995, l'industrie pétrolière nous a été présentée
dans une série de visites aux sièges sociaux de la compagnie,
a une base d'entretien et à un chantier de construction.
L'industrie pétrolière a eu un impact profond sur la Norvège,
et bien qu'il soit question d'un musée depuis des années,
il na pas encore vu le jour. Peut-être est-ce la taille
intimidante de la technologie (la plate-forme de production
Brent Spar en est un célèbre exemple) qui a ralenti le projet,
alors que l'autre grande industrie de Stavanger, la sardine
en boîte, a un excellent musée. Les sardines sont d'une
taille plus commode.
En
1996 la réunion du CIMUSET aura lieu au Musée de la Science
et de ]'Industrie de Manchester (Angleterre) sur le thème:
"la présentation de la science et de l'industrie au public".
Un des sujets traités sera l'amélioration de l'accès aux
collections. Les possibilités sont vastes, avec par delà
les expositions le soutien aux centres qui ouvrent leurs
réserves d'objets, et également le musée virtuel accessible
par CD-ROM et sur Internet.
En
1997 le CIMUSET se réunira à Buenos Aires, en Argentine.
La nature internationale et globale des sciences et technologies
apparaîtra clairement à cette occasion; ces caractéristiques
influencent les stratégies de collections dans notre domaine
d'une façon différente des autres branches du monde des
musées. La conférence triennale de l'ICOM en 1998 attirera
les membres du CIMUSET à Melbourne, où nous aurons le plaisir
de voir un musée récent de la technologie, 'Scienceworks'.
Nous visiterons également la ville minière recréée de Ballarat,
qui nous rappellera que bien que les collections soient
au coeur des musées, elles ne sont pas le seul moyen d'évoquer
le passé.
En
savoir plus ...
Signalons à nos lecteurs que le Comité international de
l'ICOM pour la museologie a publié dans la collection des
ICOFOM Study
Series (n°6) les actes d'un symposium portant
sur le thème "collecter aujourd'hui pour demain ", qui s'est
déroulé à Leyde en octobre 1984. Le dossier d'accompagnement
de la Journée internationale des musées préparé par le Secrétariat
de l'ICOM contiendra des indications bibliographiques sur
ce sujet.
Collecte
et déontologie
Pierre
angulaire de la mission du musée, la collecte ne se fait
plus aujourd'hui comme hier. Elle s'appuie désormais sur
des règles d'éthique que le Code
de déontologie de l'ICOM énonce clairement.
Elle vise désormais à mieux respecter la diversité des cultures,
et à instaurer de nouvelles formes de partenariat.
Elisabeth
des Portes
Secrétaire générale
Des
les années 1970, l'ICOM se préoccupait de l'éthique des
acquisitions. Un groupe de travail créé par le Conseil exécutif
se réunissait et rédigeait le premier texte sur ce sujet.
Il sera repris et élargi dans le Code de déontologie professionnelle
adopté par l'Assemblée Générale de l'ICOM réunie à Buenos
Aires (Argentine) en 1986.
Rappelons
ici les principes essentiels énoncés par le Code de déontologie
de l'ICOM dans le domaine des acquisitions (article 3 du
Code de déontologie) :
3.
Acquisitions pour les collections de musée
3.1.
Politique de collecte
Toute
instance muséale doit adopter et publier une définition
écrite de sa politique de collecte. Cette politique
doit être revue de temps en temps et au moins une
fois tous les cinq ans. Les objets acquis doivent être
en rapport avec les objectifs et les activités du
musée et être accompagnés d'une preuve
de leur existence légale. Toute autre condition ou
clause restrictive concernant une acquisition doit être
clairement définie dans l'acte de cession de propriété
ou autre document écrit. Les musées ne doivent
pas, sauf circonstances exceptionnelles, acquérir
d'objets qu'ils n'ont que peu de chances de pouvoir cataloguer,
conserver, mettre en réserve ou exposer de façon
convenable. Les acquisitions qui ne rentrent pas dans le
cadre de la politique en cours au musée telle qu'elle
a été définie ne peuvent être
réalisées que dans des circonstances très
exceptionnelles, et seulement après examen par l'autorité
de tutelle du musée, en tenant compte de l'intérêt
des objets concernés, de celui du patrimoine culturel
national ou autre, et des intérêts spécifiques
d'autres musées.
3.2.
Acquisition d'objets en situation illicite
Le
commerce illicite d'objets destinés à des
collections publiques ou privées encourage la destruction
des sites historiques, des cultures ethniques locales, le
vol au niveau national et international et met en péril
certaines espèces de flore et de faune; il est en
pleine contradiction avec l'esprit du patrimoine national
et international. Les musées doivent être conscients
des liens qui existent entre le marché et l'enlèvement
initial et souvent destructeur d'un objet à destination
du marché commercial et reconnaître qu'il est
contraire à la déontologie qu'un musée
apporte son appui, directement ou indirectement, à
un tel trafic.
Un musée ne doit acquérir aucun objet que
ce soit par achat, don, legs ou échange sans que
l'autorité de tutelle et le responsable du musée
ne se soient assurés que le musée peut obtenir
un titre de propriété en règle pour
ce spécimen ou cet objet. Ils doivent notamment s'assurer
que cet objet n'a pas été acquis dans, ou
exporté de, son pays d'origine ou d'un pays de transit
dans lequel il a pu être possédé légalement
(y compris dans le pays même où se trouve le musée)
en contrevenant aux lois de ce pays.
En ce qui concerne les spécimens biologiques et géologiques,
un musée ne doit pas acquérir, directement
ou indirectement, tout spécimen qui a été
recueilli, vendu ou transféré de quelque manière
que ce soit en contrevenant aux lois ou traités nationaux
et internationaux relatifs à la protection de la
nature ou à la préservation de l'histoire
naturelle dans le pays où se trouve le musée ou dans
tout autre pays, sauf avec l'accord formel d'une autorité
juridique ou gouvernementale extérieure appropriée.
En ce qui concerne le matériel de fouilles, en plus
des précautions indiquées plus haut, le musée
ne doit en aucun cas acheter d'objets lorsque son autorité
de tutelle ou son responsable a des raisons de penser que
la mise au jour de ces objets a pu causer une destruction
ou un dommage récent, intentionnel et non scientifique
à des monuments anciens ou à des sites archéologiques,
ou bien que les propriétaires ou occupants du territoire
ou les autorités juridiques gouvernementales appropriées
n'ont pas été avertis de la découverte
de ces objets.
Le cas échéant et si cela est réalisable,
les précautions énumérées dans
les quatre paragraphes qui précèdent doivent
être prises pour déterminer s'il faut ou non
accepter des prêts pour des expositions ou dans d'autres
buts.
3.3.
Etude et collecte sur le terrain
Les
musées doivent jouer un rôle prépondérant
dans les efforts faits pour arrêter l'incessante dégradation
des ressources naturelles, archéologiques, ethnographiques,
historiques et artistiques du monde. Chaque musée
doit établir une politique qui lui permette de mener
ses activités dans le cadre des lois et accords nationaux
et internationaux appropriés en s'assurant que son
approche est conforme à l'esprit et à l'intention
des efforts nationaux et internationaux de protection et
de mise en valeur du patrimoine culturel. Les explorations,
collectes et fouilles menées sur le terrain par des
professionnels de musée posent des problèmes
déontologiques à la fois complexes et aigus.
Toute programmation d'études et de collecte sur le
terrain doit être précédée d'une
recherche, d'une communication et d'une consultation avec
les autorités concernées et tous les musées
ou institutions universitaires intéressés
dans le pays ou la région concernée par l'étude,
afin de s'assurer que l'activité prévue est
légale et justifiée d'un point de vue académique
et scientifique.
Tout programme sur le terrain doit être exécuté
de façon à ce que tous les participants à
ce programme agissent légalement et de manière
responsable en se procurant des spécimens et des
données, et qu'ils découragent par tous les
moyens possibles les pratiques contraires à la déontologie,
illégales et destructrices.
3.4.
Coopération entre les musées pour une politique
de collecte
Chaque
musée doit reconnaître la nécessité
d'une coopération et de consultations entre tous
les musées dont les intérêts et les
politiques de collecte sont semblables ou coïncident et
devra s'efforcer de consulter ces institutions, d'une part
dans le cas d'acquisitions spécifiques qui pourraient
créer un conflit d'intérêts, et aussi
plus généralement pour définir les
domaines de spécialisation. Les musées doivent
respecter les limites des domaines de collecte reconnus
des autres musées et éviter d'acquérir
des objets en rapport avec les lieux ou ayant un intérêt
local spécial et appartenant au domaine de collecte
d'un autre musée sans que ce musée ne soit
dûment averti de cette intention.
3.5.
Acquisitions conditionnelles et autres facteurs spéciaux
Les
dons, legs et prêts ne peuvent être acceptés
que s'ils sont en conformité avec la politique de
collecte et d'exposition établie par le musée.
Les offres soumises à certaines conditions doivent
être refusées si les conditions proposées
sont jugées contraires aux intérêts
à long terme du musée et de son public.
3.6.
Prêts aux musées
Les
prêts individuels d'objets comme le montage d'expositions
de prêt ou leur emprunt peuvent jouer un rôle
important dans le développement de l'intérêt
et de la qualité du musée et de ses services.
Cependant les principes déontologiques énoncés
dans les paragraphes 3.1. à 3.5. ci-dessus doivent
être appliqués à l'examen des prêts
d'objets ou d'expositions proposés comme à
l'acceptation ou au rejet des pièces offertes pour
les collections permanentes : des prêts ne peuvent
être acceptés ni des expositions montées
s'ils n'ont pas un objectif éducatif, scientifique
ou académique valable.
3.7.
Conflit d'intérêts
La
politique de collecte ou le règlement du musée
doit inclure des dispositions visant à s'assurer
qu'aucune personne engagée dans la politique ou l'administration
du musée comme par exemple un membre du conseil d'administration,
de l'autorité de tutelle, ou du personnel du musée,
ne puisse entrer en compétition avec le musée
pour acquérir des objets ou ne puisse tirer avantage
des informations privilégiées qu'elle reçoit
du fait de sa position, et qu'en cas de conflit d'intérêts
entre les besoins de cette personne et ceux du musée,
ce soient les intérêts du musée qui
prévalent. Il faut également étudier
avec le plus grand soin toute offre d'objet, que ce soit
sous forme de vente ou de don en dédommagement fiscal,
proposée par des membres des autorités de
tutelle, des membres du personnel, des personnes de leurs
familles ou des associés proches.
L'application
stricte des règles énoncées par l'ICOM permet aux musées
de mener une politique claire et d'éviter l'entrée dans
les collections de pièces douteuses. Compte tenu de l'ampleur
prise désormais par le trafic illicite des biens culturels,
l'ICOM recommande vivement à tous les personnels engagés
dans les politiques de collecte de manifester la plus grande
rigueur. Il devient indispensable de s'assurer désormais
de façon systématique auprès des services de police nationaux
et internationaux ainsi qu'auprès des institutions spécialisées
(UNESCO, ICOM, banques de données d'objets volés) que les
objets susceptibles d'entrer dans les collections (par achat
ou donation) n'ont pas été volés ou pillés.
L'évolution
de la législation sur le plan international incite d'ailleurs
à ces mesures de prudence puisque la Convention UNIDROIT
adoptée en 1995 à Rome (qui vient compléter la Convention
de l'UNESCO de 1970 concernant les mesures à prendre pour
interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le
transfert de propriété illicites des biens culturels) impose
une obligation de restitution si le possesseur ne peut prouver
qu'il a fait tous les efforts (ou "bonne diligence") pour
s'assurer que l'objet qu'il a acquis n'était pas volé (voir
"Nouvelles de l'ICOM n°1/1996 P.18)
Parmi
d'autres, l'exemple du Métropolitan Museum of Art de New
York qui a retrouvé dans ses collections l'un des objets
volés à Angkor publiés par l'ICOM dans son livre Pillage
à Angkor, page 80, illustre bien l'importance de la vigilance
que doivent désormais manifester les professionnels. L'ICOM
souhaite que les négociations en cours entre ce musée et
le Cambodge aboutissent favorablement.
Il
s'agit bien là de l'un des enjeux majeurs de notre profession.
En cette fin de siècle, les musées se doivent d'imposer
les règles d'éthique à l'ensemble de leurs partenaires et
notamment au marché de l'art. Ils engagent leur crédibilité
pour l'avenir.
Collecter
la culture d'autrui
Les
politiques de collecte ont largement évolué dans les dernières
décennies ; elles se font désormais dans des conditions
de respect des cultures qui font apparaître comme des comportements
obsolètes les collectes effectuées par certains musées au
début du siècle.
L'adoption
par les Etats-Unis des règlements relatifs au "Native Ainerican
Graves Protection and Repatriation Act" (NAGPRA)
de 1990 illustre bien les préoccupations nouvelles qui se
font jour. Ces règlements établissent un processus de détermination
des droits des tribus indiennes et hawaïennes sur leur patrimoine
culturel, actuellement possédé par des institutions publiques
américaines ou qui fait l'objet de fouilles volontaires
ou non.
Ces
règlements font obligation aux musées américains de fournir
à chaque tribu indienne ou hawaïenne une information résumée
ainsi qu'un inventaire sur le patrimoine culturel qu'ils
détiennent et qui la concerne. Les musées ont, sous certaines
conditions, l'obligation de rapatrier les objets si la tribu
en fait la demande. Le musée devra prendre en considération
le fait que l'individu qui lui a vendu l'objet ait reçu
l'autorisation de sa tribu pour le faire. Les demandes de
restitution n'ont pas de limite de prescription.
Les
fouilles lie peuvent être faites qu'après consultation et
approbation de la tribu concernée. Si une découverte est
faite fortuitement, elle doit être immédiatement notifiée
aux autorités fédérales. La propriété des objets de fouille
reste celle de la tribu.
Oit
voit apparaître là une série de recommandations qui pourraient
servir de règles au delà du champ strictement national et
qui sont conformes dans leur esprit au Code de l'ICOM.
Dans
la même direction, le Comité
international de l'ICOM pour les musées et collections d'archéologie
et d'histoire (ICMAH) travaille en ce moment
à l'élaboration d'un Code de déontologie pour la recherche
archéologique, qui viendrait mettre à jour les dispositions
prévues dans la Recommandation de l'UNESCO de 1956 définissant
les principes internationaux à appliquer en matière de fouilles
archéologiques.
Des
musées toujours plus nombreux -et nous nous en félicitons-
mènent des politiques généreuses de restitution volontaire
lorsqu'ils s'aperçoivent que des objets en leur possession
ont été volés à leur propriétaire ou sont réclamés par les
communautés auxquelles ils appartenaient : un cas d'espèce
est représenté par la restitution récente d'une stèle maya
du site de La Amelia au Guatemala par le Musée national
d'ethnographie de Stockholm (Suède).
Parmi
les musées acheteurs, le musée Getty aux USA a récemment
pris une position remarquée en déclarant renoncer à sa politique
d'acquisitions d'antiquités pour se redéployer vers des
programmes de partenariat avec les pays "exportateurs".
**
Native American Graves Protection and Rapatriation Act et
Règlement sont disponibles par email : SamBall@nps.gov
Article
publié sur "Les Nouvelles de l'ICOM", vol.n°49,
1996 n.2
|
|